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hebrardcatherine

Verreries du château de l'Herm (Dordogne), partie 2 : formes fermées, pots et bocaux

Dernière mise à jour : 9 nov. 2023

Après avoir présenté les verres à boire dans une première partie, nous présentons ici un ensemble de formes fermées et de pots. De très belles aiguières ont été découvertes lors des fouilles archéologiques menées de 2003 à 2007 au château de l'Herm (Dordogne) par Marie Palué alors propriétaire du château.


Partie supérieure (col et anse) d'une aiguière provenant du château de l'Herm en Dordogne
Aiguière

De magnifiques aiguières ont été découvertes ainsi que des bouteilles et des pots

Les bouteilles

Bouteille provenant du château de l'Herm en Dordogne
Bouteille soufflée et aplatie sur quatre côtés (archéologiquement complète)
Bouteille provenant du château de l'Herm en Dordogne
Bouteille archéologiquement complète

Une bouteille archéologiquement complète a été recueillie dans le conduit des latrines du premier étage à proximité de deux monnaies de 1589 et 1603. Il s’agit d’une bouteille soufflée à la volée d’une hauteur de 27 cm. Son goulot a une hauteur de 11 cm et sa lèvre est droite épaissie par réchauffement sur la flamme. La trace du pontil est bien visible sous le fond. La bouteille est aplatie de façon irrégulière sur quatre côtés. Cette forme particulière peut laisser supposer qu’elle était clissée. Elle est de couleur gris/verdâtre, avec par endroits des ondulations mauves, violacées qui se trouvent dans la masse du verre. Cette couleur violette peut être obtenue par l’adjonction d’oxyde de manganèse qui décolore le verre. Cette opération doit se faire dans une atmosphère réductrice. Mais si le verre est maintenu en atmosphère oxydante, la teinte violette apparaît. Il semble qu’ici la couleur violacée n’ait pas été réalisée volontairement. L’apparition de cette couleur a été accidentelle car elle n’est pas homogène sur tout le verre. Il y aurait donc eu une oxydation partielle lors de la fabrication de cette bouteille avec de l’oxyde de manganèse.


Col de bouteille provenant du château de l'Herm en Dordogne
Col et goulot de bouteille
Col de bouteille provenant du château de l'Herm en Dordogne
Col et goulot de bouteille

Deux goulots sont de couleur bleu/vert et ont un profil dissymétrique comme si on avait voulu réaliser un bec verseur. On peut les rapprocher de ceux qui ont été trouvés à Orléans, en particulier le n° 328 qui date du XVIe siècle ; il est de couleur verte et présente un profil dissymétrique[1].


Dessins des bouteilles provenant du château de l'Herm en Dordogne
Dessins des bouteilles provenant du château de l'Herm en Dordogne


Une autre bouteille plus petite de forme carrée et de couleur vert olive a été trouvée, mais il lui manque le goulot. Pour cette raison sa hauteur totale ne peut pas être connue. Le fond est épais et la trace du pontil très apparente.


Deux fonds coniques de bouteille soufflée sont aussi de couleur bleu/vert. Sur l’un apparaît la trace du pontil. Le troisième fond, de forme conique semble appartenir aussi à une bouteille. Les verreries du château de l'Herm en Dordogne sont diversifiées.





Il s'agit de matériel en verre qui date de la fin du XVIe s. ou du début du XVIIe s.


Les aiguières (verreries du château de l'Herm en Dordogne)


Aiguières  provenant du château de l'Herm en Dordogne
Fragments de deux aiguières provenant du château de l'Herm en Dordogne

Deux aiguières ont été mises au jour. Elles ne sont pas identiques mais se ressemblent par leur forme générale, leur mode de fabrication, leur couleur (vert/gris à vert/jaune), leur bec verseur et leur goulot qui ont le même profil.




La première trouvée dans les latrines du premier étage n’est pas complète (goulot avec l’anse, le bec verseur et le pied incomplet).


La deuxième découverte dans les latrines du deuxième étage, n’est pas complète non plus (goulot avec l’anse et bec verseur).



Les anses des deux aiguières sont pleines. L’une est cannelée alors que l’autre est droite. Ces anses se rattachent au goulot de la même manière pour les deux aiguières : partie supérieure de l’anse soudée à un anneau qui entoure le goulot, partie inférieure soudée à la panse grâce à une amolisse intermédiaire. Ce dispositif permet de consolider les soudures. Les becs verseurs des deux aiguières présentent une embouchure identique, en forme de tête de serpent, fabriquée à l’aide d’un filet de verre soudé autour du bec verseur puis étiré à la pince. De même, le haut du goulot est constitué d’un cordon dentelé rajouté (12 dents) travaillé à la pince. Le pied est fabriqué de la même manière : un cordon de verre plein rajouté et travaillé à la pince pour constituer des dents (15 ou 16 dents).


Ce type de fabrication avec un cordon rajouté travaillé à la pince, existe dès le XVe siècle. Il est présent à Martigues[2] (verres à tige), à Avignon, Rougiers et Planier (verres à pied annulaire de forme E2 et B5 de la classification de Danièle Foy) [3], ou à Tours (partie supérieure d’un vase) [4]. Au XVIe siècle, on retrouve ce décor sur la lèvre d’une aiguière trouvée à Lille[5] et sur un tableau de Grünewald, peint entre 1512 et 1516. Ce décor est encore présent au XVIIe siècle, comme le montre le pied d’une tasse bleu foncé, trouvée à Strasbourg[6]. L’aiguière trouvée dans les débris provenant du conduit du premier étage des latrines, peut être datée de la fin du XVIe siècle. Tous les fragments la composant ont été recueillis au dessus d’une monnaie de 1583 et en dessous d’une monnaie de 1589.



Les bocaux ou pots

Dessins des pots et bocaux provenant du château de l'Herm en Dordogne
Dessins des pots et bocaux provenant du château de l'Herm en Dordogne


Vingt sept fragments de bocaux de tailles différentes (8 fonds et 19 bords supérieurs) ont été mis au jour. Un seul petit bocal a été trouvé complet. Il a une hauteur de 5 cm et un diamètre d’ouverture de 6,2 cm. Son fond ayant la trace du pontil est rentrant et bombé. La lèvre droite, presque plate, est rejetée vers l’extérieur. C’est le cas aussi pour d’autres pots. Cette lèvre formant un marli, peut s’expliquer par la volonté d’assurer la fermeture hermétique de ces pots à l’aide d’une peau resserrée sous le rebord à l’aide d’un lien. On peut interpréter ces objets comme des bocaux, des pots à pharmacie ou des piluliers.




Bocal complet provenant du château de l'Herm en Dordogne
Petit bocal ou pilulier complet provenant du château de l'Herm en Dordogne

Des objets presque identiques ont été trouvés à Strasbourg[7], Poligny[8], Besançon (fig. 16)[9] et datent du XVIe siècle. Au château de l’Herm, la plupart des tessons ont été trouvés dans les conduits des latrines dont le matériel en verre est daté entre 1574 et 1619 grâce à la présence de pièces de monnaie.



Les coupes

Coupe provenant du château de l'Herm en Dordogne
Coupe provenant du château de l'Herm en Dordogne

Quatre fragments de coupes ont été trouvés dans les latrines sud. Trois ont des pieds complets. Ces coupes sont réalisées avec deux paraisons. La trace du pontil est bien visible sous les pieds.

Les pieds sont obtenus par refoulement de la paraison. Pour trois exemplaires, le pied est ourlé et pour le quatrième, le pied est replié en dessous. Ces coupes ont un contenant très évasé. Ces quatre fragments sont en verre incolore légèrement verdâtre.

Des coupes ressemblant à celles de l"Herm ont été découvertes à Lyon[10], Besançon[11], Rouen[12]. Elles datent du XVIe siècle ou du XVIIe siècle. Elles sont présentes aussi dans les productions italiennes[13].


Conclusion

Le matériel en verre du château de l'Herm est magnifique. D'autres objets ont été découverts et seront présentés dans d'autres publications. Elles concerneront, le verre plat, et les bijoux qui pour l'heure sont inédits pour certaines pièces.

Toutes les latrines de ce château n'ont pas encore été fouillées : de beaux objets en verre peuvent encore être découverts...




Bibliographie indicative

[1] BARRERA J., Archéologie de la ville, Orléans, Revue archéologique du Loiret, n°13, 1987. [2] FOY D., n°301, verre à tige, A travers le verre du Moyen Age à la Renaissance, (cat.exp., Musée des Antiquités de Seine-Maritime), Nancy, 1989. [3] FOY D., Le verre médiéval et son artisanat en France méditerranéenne, Paris, 1988. [4] MOTEAU J., n°232, Verrerie post-médiévale, Recherches sur Tours, volume 1, Tours, 1981. [5]GUBELLINI L., BONIFACE F., Céramique et verrerie en milieu hospitalier au XVIe siècle : l’hospice Gantois à Lille, Revue du Nord, t.84, 2002, p.145-169. [6] WATON M.D, Strasbourg ISTRA : verrerie du XVIIe siècle, Verre de l’Est de la France, XIIIe-XVIIe siècles, fabrication-consommation, Dijon, 1990, p. 85-92. [7] WATON M.D, Strasbourg ISTRA : verrerie du XVIe siècle, Verre de l’Est de la France, XIIIe-XVIIe siècles, fabrication-consommation, Dijon, 1990, p. 37-84. [8] MUNIER C., Poligny, lycée Friant-Verrerie des XIIIe-XVIIe siècles, Verre de l’Est de la France, XIIIe-XVIIe, fabrication-consommation, Dijon, 1990, p.211-222. [9] GUILLOT J.-O., MUNIER C., n° 376, A travers le verre… Nancy, 1989. [10] AUGER M., n° 308, coupelle à pied, A travers le verre…. Nancy, 1989. [11] GUIHOT J.-O., MUNIER C., n° 309, coupelle à pied, A travers le verre…Nancy, 1989. [12] BARRELET J., Planche 21, La verrerie en France de l’époque gallo-romaine à nos jours, Paris, 1953. [13] DORIGADO A., Le verre de Murano, Vérone, 2002.



Bibliographie concernant l'histoire et les fouilles du château de l'Herm

  • Philippe Rougier, « Séquestration et meurtre au château de l’Herm, témoins historiques et archéologiques », dans Le Château "à la une" ! Evénements et faits divers (actes des rencontres d'archéologie et d'histoire en Périgord les 26, 27 et 28 septembre 2008), vol. 16, Bordeaux, Ausonius éditions, coll. « Scripta Mediaevalia », 2009 (ISBN 978-2-35613-017-4), p. 325-336

  • Marie Palué, « Le château de L'Herm à Rouffignac : approche historique et archéologique », dans Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord, 2010, tome 137, 2e livraison, p. 203-214 (lire en ligne) [archive]

  • Marie Palué, « L'enceinte circulaire de L'Herm. Chronologie, morphologie, occupation (XIe – XVe siècle) », dans Demeurer, défendre et paraître. Orientations récentes de l'archéologie des fortifications et des résidences aristocratiques médiévales entre Loire et Pyrénées (actes du colloque de Chauvigny 14 - 16 juin 2012), 2014, Association des Publications Chauvinoises, Mémoires XLVII, p. 289-306

  • Marie Palué, « Le château de l'Herm (Rouffignac-Saint-Cernin-de-Reilhac) entre 1653 et 1830 : couvertures, entretien et occupation », Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord, vol. 2e livraison, t. 148,‎ 2021, p. 155-166.


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